Huguette Caland
Les années parisiennes (1970-1987)
Nov 13, 2024 - Jan 24, 2025
Mennour, 47 rue Saint-André-des-Arts

Ces années déterminantes et fécondes, où Caland réalise certains de ses plus grands chefs-d’œuvre, est le sujet de cette exposition rétrospective inédite. Elle mettra en lumière l’audace, la force, la malice et la beauté de l’aventure plastique de Caland en réunissant pour la première fois un ensemble exceptionnel de près de cinquante œuvres historiques, dont vingt-quatre peintures – parmi lesquelles des œuvres de la célèbre série des « Bribes de corps » des années 1970 – ainsi que dix-neuf œuvres sur papier et deux kaftans – l’un né de sa collaboration avec le couturier Pierre Cardin. 

Cet événement inédit en France inaugure une série de grandes manifestations en Europe et aux Etats-Unis, dont la rétrospective majeure du Museo Reina Sofía de Madrid en février 2025. Mennour est honoré de contribuer à la redécouverte internationale d’une œuvre qui résonne si fortement avec nos préoccupations actuelles. 

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Ces années déterminantes et fécondes, où Caland réalise certains de ses plus grands chefs-d’œuvre, est le sujet de cette exposition rétrospective inédite. Elle mettra en lumière l’audace, la force, la malice et la beauté de l’aventure plastique de Caland en réunissant pour la première fois un ensemble exceptionnel de près de cinquante œuvres historiques, dont vingt-quatre peintures – parmi lesquelles des œuvres de la célèbre série des « Bribes de corps » des années 1970 – ainsi que dix-neuf œuvres sur papier et deux kaftans – l’un né de sa collaboration avec le couturier Pierre Cardin. 

Cet événement inédit en France inaugure une série de grandes manifestations en Europe et aux Etats-Unis, dont la rétrospective majeure du Museo Reina Sofía de Madrid en février 2025. Mennour est honoré de contribuer à la redécouverte internationale d’une œuvre qui résonne si fortement avec nos préoccupations actuelles. 

Lorsqu’elle arrive à Paris à l’âge de 39 ans, en 1970, Huguette Caland a fini ses études à l’American University of Beirut, entamées en 1964 à la suite du décès de son père, l’ancien président du Liban indépendant Béchara el-Khoury. Elle a exposé à Beyrouth, notamment à Dar el Fan, un centre d’art dirigé par son amie Janine Rubeiz et qui deviendra l’un des épicentres de la scène culturelle de l’Asie de l’Ouest. Caland décide pourtant de tout quitter pour s’installer à Paris et « suivre son étoile » : s’éloignant de Paul Caland – avec qui elle s’est mariée à l’âge de 20 ans – et de ses trois enfants, elle ne veut plus être la « fille de », la « femme de », la « mère de ». Au début des années 1970, Caland participe à des expositions en Angleterre, en Italie, au Japon et aux Etats-Unis mais aussi à la Biennale de Venise en 1972, où elle montre des estampes exécutées à Paris chez Bellini, l’imprimerie de Sam Szafran, et qui seront acquises par la Bibliothèque nationale de France. 

Huguette Caland est avant tout peintre : c’est dans les salons artistiques parisiens qu’elle se confronte aux artistes venus du monde entier, d’abord au Salon de Mai puis, à partir de 1974, aux Réalités Nouvelles et aux Grands et jeunes d’aujourd’hui. En 1980, Waddah Faris, son ami et galeriste au Liban – la galerie Contact – vient de s’installer à Paris et lui consacre une première exposition personnelle. Signant la préface de l’exposition, le critique d’art Raoul-Jean Moulin, inventeur du MAC VAL, lui apportera un soutien indéfectible, collectionnera ses œuvres et publiera en 1986 la première monographie consacrée à Caland. 

A partir de 1978, Caland collabore avec Pierre Cardin qui, émerveillé par les kaftans originaux qu’elle portait, lui propose de créer « dans une totale liberté une collection de vêtements […] utilisant l’art islamique à son meilleur niveau », une collection haute couture présentée à l’Espace Pierre Cardin en 1979. Caland fréquente aussi le milieu littéraire parisien grâce à la poétesse Vénus Khoury-Ghata qui lui présente Alain Bosquet, initiateur avec Juliette Darle de la « poésie murale », aventure dans laquelle Caland se plonge en signant plusieurs dessins raisonnant avec les poèmes de Bosquet mais aussi avec ceux d’Andrée Chédid et de Salah Stétié. Caland s’essaye encore au cinéma expérimental puis, à la suite d’un séjour aux États-Unis autour de 1981-1982, elle pratique la sculpture qu’elle découvre avec son compagnon, le sculpteur roumain George Apostu. Ensemble, ils se rendent dans le Limousin où elle peint de nouvelles séries, « Granite » et « Limousin », presque jamais montrées en France. 

Si elle s’est déjà confrontée au format monumental, avec une composition de plus de dix mètres déployée à la Fête de l’Humanité en 1971, Caland explore les grands formats au tournant des années 1980. Son travail pictural aboutira aux chefs-d’œuvre des « Espaces Blancs », récemment mis à l’honneur au Musée d’Art Moderne de Paris[1], et des « Ligaments », montrés pour la première fois à l’UNESCO en 1985. A la mort d’Apostu en 1986, Caland sera tentée par l’aventure américaine, qu’elle embrasse en 1987 en s’installant à Venice, sur la côte californienne. Elle y côtoie les artistes Ed Moses, Nancy Rubbins, Laddie John Dill et tant d’autres, entamant ainsi un nouveau chapitre de son œuvre. Pour Caland, « on ne quitte jamais son pays, on va plus loin, pour ne pas revenir en arrière ». 

Corps féminin, désir et abstraction

A la fois peintre, dessinatrice, graveuse et sculptrice, Huguette Caland trouve ainsi sa voie à Paris et invente un art sensuel de la ligne, de la couleur et du volume, où se mêlent en toute liberté érotisme, humour et poésie. « L’érotisme est chose abstraite. Le regard, lui, crée le climat » déclare-t-elle en 1973, idée qui fera écho à tout son travail des années parisiennes. C’est à Paris, qu’elle peint ce qui est devenue sa série la plus célèbre et la plus recherchée, les « Bribes de corps » où les fragments de corps agrandis composent des abstractions aux couleurs pop. Seule une observation attentive en révèle l’érotisme, mais aussi selon son amie la grande artiste et galeriste Helen Khal, « l’humour tendre et l’esprit d’une imagination surréaliste qui prône les plaisirs de la découverte sensuelle et refuse tout tabou [2]». Chez Caland, le corps est total, dessiné ou gravé, comme à la faveur d’une collaboration avec Noëlle Chatelet autour de Sade[3] : les corps se mêlent, s’auto-engendrent les uns les autres dans des farandoles débridées. Dans cette exploration obsessionnelle d’un territoire intime, le corps devient la matrice d’un rapport au monde. Pour le critique d’art Joseph Tarrab, Caland peint « le frémissement intérieur et la vibration des corps à l’approche ou à l’accomplissement de leur rencontre ». L’artiste interroge ainsi des sujets aussi actuels que la norme, le désir et la sexualité des femmes, autant de questionnements qui la rapprochent parfois de Niki de Saint Phalle, de Dorothy Iannone ou de Kiki Kogelnik. Célébrant le corps dans toute sa vérité ambiguë, son œuvre oscillera ainsi entre figuration et « abstraction corporelle » (Raoul-Jean Moulin) voire une certaine « abstraction érotique » (Salah Stétié), sans qu’elle ne se réclame jamais d’aucune influence. 

Dans tout son œuvre, une ambivalence perpétuelle se dessine entre l’affirmation et l’effacement du corps, dans sa création comme dans la mise en scène d’elle-même, depuis les autoportraits en « Bribes de corps » jusqu’à la création des kaftans pour Cardin, qui lui « permet de vivre [s]a vie de femme en faisant abstraction de mon corps, de l’assumer et le reconstruire en trouvant un autre type de séduction, hors la norme ».

C’est à la redécouverte d’une œuvre profondément actuelle, libre, ambiguë et joyeuse, comme un trait d’union entre l’art et la vie, qu’invite l’exposition « Huguette Caland. Les années parisiennes (1970-1987) ». Au cœur des « modernités plurielles », Mennour entend contribuer à d’autres narrations de l’histoire de l’art globale et ouverte.

Commissariat

Sylvie Patry, assistée de Léo Rivaud Chevaillier 

Autour de l’exposition

Cette manifestation sera accompagnée d’une rencontre chez Mennour autour de Huguette Caland en janvier 2025 et de la parution d’un ouvrage sous la direction de Sylvie Patry et de Léo Rivaud Chevaillier, réunissant certains des plus grands spécialistes comme Hannah Feldman, Keith L. and Katherine Sachs Associate Professor of Contemporary Art à la University of Pennsylvania de Philadelphie (USA) et Sam Bardaouil, directeur de la Hamburger Bahnhof à Berlin ainsi que Brigitte Caland, responsable du catalogue raisonné de sa mère et de ses archives, mais également des recherches inédites sur ces années parisiennes.